La dialectique (également méthode ou art dialectique) est une méthode de discussion, de raisonnement, de questionnement et d'interprétation qui occupe depuis l'Antiquité une place importante dans les philosophies occidentales et orientales. Le mot « dialectique » trouve son origine dans le monde grec antique (le mot vient du grec dialegesthai : « converser », et dialegein : « trier, distinguer », legein signifiant « parler »). Elle aurait été inventée par le penseur présocratique Zénon d'Élée[1]. Son emploi systématique dans les dialogues de Platon a popularisé l'usage du terme.
La dialectique s'enracine dans la pratique ordinaire du dialogue entre deux interlocuteurs ayant des idées différentes et cherchant à se convaincre mutuellement. Art du dialogue et de la discussion, elle se distingue de la rhétorique (qui se rapporte plutôt aux formes du discours par le dénombrement de ses différentes figures) car elle est conçue comme un moyen de chercher des connaissances par l'examen successif de positions distinctes voire opposées (même si l'on en trouve des usages détournés, comme l'éristique, visant la persuasion plus que la vérité[2]). Plus généralement, elle désigne un mouvement de la pensée, qui se produit de manière discontinue, par l'opposition, la confrontation ou la multiplicité de ce qui est en mouvement, et qui permet d'atteindre un terme supérieur, comme une définition ou une vérité.
Elle est ainsi devenue, en particulier à travers son assimilation par le Moyen Âge, une technique classique de raisonnement, qui procède en général par la mise en parallèle d'une thèse et de son antithèse, et qui tente de dépasser la contradiction qui en résulte au niveau d'une synthèse finale. Cette forme de raisonnement trouve son expression dans le réputé « plan dialectique » dont la structure est « thèse-antithèse-synthèse » : je pose (thèse), j'oppose (antithèse) et je compose (synthèse) ou dépasse l'opposition. C'est Johann Gottlieb Fichte qui formule la dialectique comme « thèse-antithèse-synthèse » dans Doctrine de la science (1794). Hegel l'exprime autrement[3].
Chez Georg Hegel, la dialectique devient non plus une méthode de raisonnement, mais le mouvement même de l'esprit dans sa relation à l'être : elle est alors conçue comme le moteur interne des choses, qui évoluent par négation et réconciliation. Mais là où la dialectique hégélienne était essentiellement idéaliste, elle concerne au contraire le mouvement de la matière chez Marx, qui fait des contradictions socio-économiques le moteur de l'histoire. La plupart des disciples de Hegel, dont Feuerbach, Marx, l'École de Francfort, Sartre, ou encore le poète Breton, donneront leur propre version de la dialectique comme mouvement de la réalité. Adorno renverse le principe même de fonctionnement de la méthode philosophique initialement présentée par Hegel dans son ouvrage Dialectique négative.