Un estuaire est la portion de l'embouchure d'un fleuve où l'effet de la mer ou de l'océan dans lequel il se jette est perceptible. Pour certains, il correspond à toute la portion du fleuve — semi-close — où l'eau est salée ou saumâtre ; pour d’autres, c'est la présence de l’effet dynamique de la marée sur les eaux fluviales qui le définit ou encore un assemblage faunistique ou écologique typiquement « estuarien ». Il est dit microtidal, mésotidal ou macrotidal respectivement selon que son amplitude de marée est faible, moyenne ou forte [1]. Selon Pritchard (1967) par convention, on ne parle pas d'estuaires pour les fleuves qui se jettent dans des mers fermées qui n'ont pas de marée[2].
L’estuaire est un écotone mouvant dont les limites sont d’appréciation délicate. Elles s’apprécient généralement sur l'analyse du mouvement des masses d’eau douces et salées, sur la base du flot principal ou moyen de la marée.
Chaque estuaire est un système physique et écologique dynamique et unique, incluant des zones humides, des méandres sans cesse remodelés par les vents et courants, des charges de matières en suspension apportées par le fleuve, et selon la nature du contexte géologique et du bassin versant, le climat, les vents et les interventions humaines historiques et contemporaines. L’estuaire est aussi le lieu où la force du fleuve est ralentie. Certains polluants s’y sédimentent préférentiellement et peuvent s’y concentrer.
Pour des besoins commerciaux, militaires, maritimes, agricoles, halieutiques ou sécuritaires, depuis des temps millénaires ou séculaires, des ports, des chenaux, des canaux, des aménagements de stabilisations, de drainage et d’assèchement, des atterrissements ou des aménagements conchylicoles ou cynégétiques en ont modifié les volumes et les profils en travers et en long.
L’être humain a cherché à maîtriser les estuaires en fixant les berges et les chenaux, en y construisant de coûteuses digues, parfois immergées. Pour ce faire il a mobilisé les sciences naturalistes, comme les mathématiques (modélisation) et la physique (dynamique des fluides et des matériaux). Depuis quelques décennies, les sciences sociales et économiques sont également appelées par les aménageurs, notamment pour y résoudre les conflits d’usages (chasse, pêche, tourisme, promenade, loisirs, nautisme, plongée sous-marine, pêche à pied, activités portuaires, etc.).
C’est le seul écosystème où la modification altimétrique de la ligne d’eau biquotidienne varie dans le temps et dans l’espace, en même temps que la salinité et la turbidité. On y trouve des espèces marines, des espèces d’eau douces et des espèces endémiques aux estuaires. Quand la pollution et la surpêche ne la surexploitent pas, la biomasse produite y est exceptionnellement élevée, notamment en zone tempérée (en Europe notamment[3]). Les estuaires sont à l’origine de nombreuses chaînes alimentaires (mysidae[4]) et poissons[5],[6] notamment). Ceci en fait une zone de reproduction et de nourrissage irremplaçable pour nombre d’espèces. Parfois, les riches deltas sédimentaires ont été consacrés à la culture (delta du Nil, Bangladesh, Camargue en France…).
Tous travaux d’aménagement en aval ou amont peuvent avoir un impact différé dans l’espace et dans le temps, sur les flux, sur les courants, sur les vasières, sur la sédimentation, sur le mouvement et l’importance ou la qualité du bouchon vaseux et parfois sur la sécurité des usagers.