Le terme humanisme, créé à la fin du XVIIIe siècle et popularisé au début du XIXe siècle[1], a pendant longtemps désigné exclusivement un mouvement culturel, philosophique et artistique prenant naissance au XIVe siècle dans l'Italie de la Renaissance, puis se développant dans le reste de l’Europe. Moment de transition du Moyen Âge aux temps modernes, ce mouvement est en partie porté par l'esprit de laïcité qui resurgit alors, point de départ d’une crise de confiance profonde qui affecte l'Église catholique. Le terme humaniste existe dès le XVIe siècle pour désigner « celui qui cultive les humanités »[2].
Les penseurs humanistes de la Renaissance, en renouvelant considérablement l'approche de la civilisation antique européenne à la suite d'une approche médiévale notamment marquée par l'aristotélisme scolastique, n'abjurent pas pour autant leur foi chrétienne : ils cherchent plutôt à produire la synthèse du double héritage gréco-romain[3] et chrétien[4], en insistant non plus sur l'observation du monde compris comme création divine, mais sur le rôle actif des capacités intellectuelles humaines dans l'élaboration de la réalité de toute chose. L'« humanisme des Lumières », au XVIIe siècle et XVIIIe siècle, se défait de toute conception de volonté divine, l'individu s'appuyant sur sa raison pour se déterminer lui-même[5].
Au début du XXIe siècle, un certain nombre de penseurs s'accordent à considérer que l'idée d'humanisme renvoie à tout un ensemble de valeurs, qu'elles soient religieuses ou laïques, communes à l’ensemble de la civilisation occidentale depuis le VIIIe siècle av. J.-C. et toutes relatives à la place conférée aux facultés rationnelles des humains. Cette idée est notamment soutenue par le sociologue Shmuel Trigano en 2000[6], l'historien Bernard Quilliet en 2002[7] et le philosophe Abdennour Bidar en 2014[8]. Selon ce dernier, par-delà la multiplicité de ses formulations, le concept d’humanisme est consubstantiel à l'Occident, et « tous les penseurs ont semblé s’accorder sur une même conviction : celle que l'homme a raison de s'interroger d'abord sur l'homme[9] »[10].
Non seulement la référence au thème de l'humanisme persiste à la « crise du sujet » philosophique de la fin du XIXe siècle et aux carnages des deux Guerres mondiales mais elle est alors encore plus vive que par le passé. Le phénomène s'accentue encore au XXIe siècle, comme en témoigne l'abondante bibliographie consacrée à ce thème depuis l'an 2000.
Le mot est extrêmement usité dans les champs politique et médiatique sans être questionné, au point de servir de terme fourre-tout comme le mot « progrès », qui lui est très fréquemment associé. Toutefois, moins d'intellectuels s'en réclament même si certains estiment que la philosophie des Lumières doit continuer de servir de référence. À l'inverse, le concept d’humanisme fait l'objet de critiques toujours plus nourries, visant non pas tant à le dénigrer qu'à questionner son succès même, à l'aune des enjeux sociétaux contemporains, notamment la poussée exponentielle des nouvelles technologies[11],[12]. C'est dans ce cadre que surgissent deux concepts critiques : le post-humanisme et le transhumanisme[13].
« L'incarnation, ou humanisation du Verbe de Dieu en Jésus, qui singularise le christianisme entre toutes les religions, le prédétermine à tenir un discours humaniste de portée universelle […]. »
« En occident, tous les chemins mènent à l'homme. Depuis ses deux aurores, antique et biblique, l'Occident n'a jamais cessé de placer l'être humain au centre de son questionnement spirituel, politique, moral, artistique. […] Il est la civilisation de Narcisse, c'est-à-dire de l'homme qui ne se lasse pas de questionner son reflet dans l'eau et qui ne pose ses éternelles questions au grand univers que pour méditer encore et toujours en miroir sur lui-même. […] Depuis la double enfance biblique et antique jusqu'à la Déclaration universelle des droits de l'homme en 1948, l'Occident s'est inlassablement interrogé en particulier sur la dignité humaine. […] Tous les penseurs ont semblé s'accorder sur une même conviction : celle que l'homme a raison de s'interroger d’abord sur l'homme. »