Michel de Montaigne

Michel de Montaigne
Portrait présumé de Montaigne par un auteur anonyme (anciennement attribué à Dumonstier) repris par Thomas de Leu pour orner l’édition des Essais de 1608.
Ce portrait, dit de Chantilly car acquis par le duc d’Aumale en 1882, est aujourd’hui conservé au musée Condé.
Les vêtements et décorations désignent le membre de l'ordre de Saint-Michel qui lui fut attribué en 1577.
Naissance
Décès
Formation
École/tradition
Principaux intérêts
L'Homme et les sciences humaines en précurseur, histoire, histoire naturelle, mais aussi littérature, philosophie, politique, droit, religion
Idées remarquables
La vertu aimable
Œuvres principales
Influencé par
les lettres de l'Antiquité gréco-romaine (Plutarque, Cicéron, Sénèque, Lucain), les chroniqueurs médiévaux, les compilateurs humanistes de la Renaissance, la tradition littéraire espagnole (par son père), La Boétie, Sextus Empiricus, Guy de Bruès, Sanchez, les écrits de voyages (Jean de Léry), Zénon de Kition.
A influencé
l'érudition humaniste (Marie de Gournay, John Florio), le courant libertin (La Mothe Le Vayer) et celui de la science (Descartes, Pascal, Voltaire), la philosophie allemande (Schopenhauer, Nietzsche) et Merleau-Ponty, Cioran, Lévi-Strauss, Conche
Père
Conjoint
Françoise de La Chassaigne (à partir de )Voir et modifier les données sur Wikidata
Parentèle
Jean de Ségur (d) (cousin)Voir et modifier les données sur Wikidata
signature de Michel de Montaigne
Signature

Michel Eyquem de Montaigne, seigneur de Montaigne (prononcé à l'époque « Montagne »)[1], plus connu sous la simple dénomination de Montaigne, né le et mort le au château de Saint-Michel-de-Montaigne (Dordogne), est un philosophe, humaniste, écrivain érudit et moraliste français de la Renaissance.

Éduqué enfant puis adolescent par son père Pierre Eyquem de Montaigne dans la ferveur humaniste et polyglotte, le jeune Michel Eyquem se mue en étudiant batailleur et aventureux menant une vie itinérante parfois dissolue. Devenu pleinement adulte, homme à la santé allègre, de caractère bouillonnant, mais toujours avide lecteur, il entame en 1554 à la cour des aides de Périgueux un parcours professionnel au sein de la magistrature de la province de Guyenne qui le mène en 1556 au parlement de Bordeaux où il va détenir une charge de conseiller pendant treize ans. Il y noue une progressive et solide amitié avec un collègue, Étienne de La Boétie, dont la mort en le bouleverse, tout en lui donnant l’occasion de concrétiser ses conceptions philosophiques stoïques. Muté à la chambre des enquêtes, il y devient un diplomate de premier plan dans ces temps de guerres de religion, catholique sincère et ambigu[2],[3], mais opposé aux ligueurs et fidèle au roi de France. Après sa retraite en , il devient gentilhomme de la chambre du Roi, avec le titre de chevalier de l'ordre de Saint-Michel.

À la mort de son père en , Michel hérite de la terre et du titre de « seigneur de Montaigne » ; désormais riche, il peut quitter sa charge de magistrat diplomate. En Montaigne se consacre à l'écriture et à l'édition[4]. Cet art de l'otium ne l'empêche pas de prendre une part active à la vie politique en Aquitaine : il est à deux reprises maire de Bordeaux de 1581 à 1585, puis, au début de la huitième guerre de Religion, est un des négociateurs clés entre le maréchal de Matignon, gouverneur de Guyenne, et Henri de Bourbon, roi de Navarre, héritier présomptif du roi de France Henri III et chef du parti protestant[5] ; comme nombre de catholiques modérés, il continue de soutenir le roi de Navarre devenu roi de France en 1589 (Henri IV).

Probablement dès la fin , il constate qu'il est victime de petits calculs urinaires, et en dix-huit mois, la gravelle, maladie responsable de la mort de son père, s'aggrave et s'installe durablement. Désormais, le plus souvent souffrant ou malade, il cherche à hâter ses écrits et à combler ses curiosités : il essaie ainsi de guérir en voyageant vers des lieux de cure, puis voyage vers les contrées qui l'ont fasciné durant sa jeunesse.

Les Essais entrepris en 1572 et constamment continués et remaniés jusqu'aux derniers mois avant sa mort sont une œuvre singulière tolérée par les autorités (puis mise à l'Index par le Saint-Office en 1676). Ils ont nourri la réflexion des plus grands auteurs en France et en Europe, de Shakespeare à Pascal[6] et Descartes, de Nietzsche et Proust à Heidegger.

Le projet de se peindre soi-même pour instruire le lecteur semble original, si l'on ignore les Confessions de saint Augustin : « Je n’ai d’autre objet que de me peindre moi-même. » (cf. introspection) ; « Ce ne sont pas mes actes que je décris, c’est moi, c’est mon essence[7]. » Saint Augustin dans ses Confessions retraçait l'itinéraire d'une âme passée des erreurs de la jeunesse à la dévotion au Dieu de Jésus-Christ dont il aurait eu la révélation lors d'un séjour à Milan. Jean-Jacques Rousseau cherchera à se justifier devant ses contemporains. Stendhal cultive l'égotisme. À la différence de ces trois là, Montaigne développe l'ambition de « se faire connaître à ses amis et parents » : celle d'explorer le psychisme humain, de décrire la forme de la condition humaine.

S'il proclame que son livre « ne sert à rien » (« Au lecteur »), parce qu'il se distingue des traités de morale autorisés par la Sorbonne, Montaigne souligne tout de même que quiconque le lira pourra tirer profit de son[8] expérience. Appréciée par les contemporains, la sagesse des Essais s'étend hors des barrières du dogmatisme, et peut en effet profiter à tous, car « chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition[9]. »

Le bonheur du sage consiste à aimer la vie et à la goûter pleinement : « C'est une perfection absolue et pour ainsi dire divine que de savoir jouir loyalement de son être[10]. »

  1. Il faudrait normalement prononcer /mɔ̃taɲ/, mais aujourd'hui on prononce généralement /mɔ̃tɛɲ/. Voir Jean-Marie Pierret, Phonétique historique du français et notions de phonétique générale, Peeters, Louvain-la-Neuve, 1994, p. 102, ainsi que P. Desan, Dictionnaire Montaigne, p. 787.
  2. « L'histoire juive de Montaigne - Livre de Sophie Jama », sur booknode.com (consulté le ).
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  4. Il a déjà édité en 1568 la Théologie naturelle de Sebond à la demande de son père. Il veut éditer l'œuvre De la servitude volontaire ou Le contre'un de son ami Étienne La Boétie, mais il se rend compte que cette publication crypto-protestante risque de le livrer à la vindicte en ces temps d'intolérance.
  5. Cette négociation, écrit Montaigne, était « un tintamarre de cervelles ». Le royaume est alors en pleine guerre civile et religieuse et les massacres entre partis chrétiens catholiques ligueurs et réformés extrémistes se succèdent.
  6. Pascal : « Le sot projet que Montaigne a eu de se peindre. » Pascal, Pensées, XXIV « Pensées morales ». Édition de Port-Royal, éd. de Guillaume Desprez, 1670, (lire sur Wikisource).
  7. Essais, II, 6 « De l'exercitation ».
  8. Celle de Montaigne.
  9. Essais, III, 2 « Du repentir ».
  10. Essais, III, 13 « De l'expérience », p. 1347.

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