Migration des oiseaux

Migration de bernaches nonnettes (Branta leucopsis) en Finlande.
Une vague de froid majeure peut se traduire par une fuite hivernale qui pousse cette nuée de vanneaux huppés à descendre au sud de ses quartiers d'hivernage.
La Grive litorne est un migrateur partiel. En gonflant son plumage, notamment le duvet, elle emprisonne une couche d'air isolante et résiste très bien au froid. Contrairement à l'idée reçue voulant que ce sont les températures froides qui induisent la migration, il s'agit en premier lieu de la raréfaction des ressources alimentaires liées au changement de saison[1].
Pinson des arbres (Fringilla coelebs mâle. L'épithète spécifique coelebs (« célibataire ») a probablement été choisie par Linné car en Suède, seuls les femelles et les juvéniles migrent en hiver tandis que les mâles très territoriaux restent sur place[2].

La migration des oiseaux est une migration animale, généralement régulière[3] et périodique (le plus souvent saisonnière)[4] de nombreuses espèces d'oiseaux qui mettent à profit leurs grandes capacités de déplacement pour voyager entre une aire d'hivernage et une aire de reproduction et de nidification, à la recherche de conditions meilleures pour leur survie. Selon les estimations, environ 50 milliards d'oiseaux représentant 19 % des 10 000 espèces d'oiseaux du monde, migrent annuellement à longue distance, cette proportion atteignant 50 % chez les oiseaux qui se reproduisent à des latitudes nord et sud supérieures à 35°[5].

Cette stratégie migratoire est une adaptation à la baisse de disponibilité de nourriture au cours d'une période défavorable (saison hivernale, saison sèche), mais aussi une manière pour ces espèces d'échapper à un changement d'habitat et de maximiser leurs chances de reproduction[6]. Toutes les stratégies migratoires sont possibles depuis les espèces (presque strictement) sédentaires jusqu'aux espèces (presque strictement) migratrices par le simple jeu de la sélection naturelle, depuis une population qui abandonne entièrement son lieu de nidification (migration totale), jusqu'à d'autres dont certains individus restent sur place (migration partielle). La plasticité des traits de vie chez les oiseaux a généré un continuum entre sédentarité et migration à l'échelle de l'espèce, parfois même entre sous-populations d'une même espèce, ou à l'intérieur de ces populations.

Les ornithologues distinguent la migration de retour vers les lieux de nidification (migration prénuptiale appelée aussi migration de printemps vers l'hémisphère nord), de la migration qui fait suite à la reproduction (migration postnuptiale appelée aussi migration d'automne vers l'hémisphère sud). Ils distinguent aussi les mouvements migratoires qui peuvent se produire le long de fronts étroits (canalisation des migrateurs sur un corridor de migration (en) en raison de la situation topographique locale, comme lors des passages le long des côtes, des péninsules ou des vallées étroites) ou de fronts larges (certains oiseaux adoptant des voies de migration parallèles qui séparent les populations les unes des autres, d'où leur répartition dans des quartiers d’hivernage distincts). La migration peut se faire de jour ou de nuit, avec ou sans étapes. Beaucoup d'espèces migrant par étapes peuvent ne faire que de très brèves escales (cas de la migration rampante)[7]. Certaines espèces empruntent des routes identiques à l'aller et au retour, d'autres des trajets différents (migration en boucle). La migration peut se faire sur courte distance (quelques mètres pour la migration altitudinale (en) de tétras au sein d'un arbre), moyenne (migration longitudinale) ou longue distance (migration latitudinale, la plus courante)[8].

Plusieurs phénomènes ont réactualisé l'intérêt de l'étude de ces migrations. Tous les observateurs constatent l'impact du réchauffement climatique sur la sédentarisation croissante de certaines espèces comme la fauvette à tête noire et le pouillot véloce. Pour l'hiver, certains étourneaux migrent même vers des villes plus au nord où ils trouvent alimentation et refuges. En outre, une meilleure protection de ces animaux passe par une bonne connaissance de leurs migrations. Enfin, les caractéristiques qui permettent aux oiseaux de se repérer sont encore mal connues. Les oiseaux peuvent aussi transporter des propagules lorsqu'ils se déplacent (microbes, plantules, parasites, œufs de crustacés sur de grandes distances, ou crustacés vivants sur de petites distances...) leur rôle en la matière est encore mal compris[9], mais semble potentiellement important[10]. Une prédation particulière[11] peut exister durant la migration, qui contribue probablement à la sélection naturelle, à laquelle s'ajoutent les effets de la chasse (dérangement, prélèvements, saturnisme...).

La migration des oiseaux se distingue de l'erratisme qui est un déplacement sans orientation déterminée, souvent lié aux conditions météorologiques, à la pression démographique locale ou à l'âge de l'oiseau (égarement dû aux tempêtes qui repoussent des oiseaux marins à l'intérieur des terres, dispersion des jeunes après l'envol, vagabondage des juvéniles qui se dispersent pour rechercher de la nourriture ou un nouveau territoire[12])[13].

  1. Frédéric Archaux, 50 idées fausses sur les oiseaux, Quæ, , p. 44.
  2. Paul Géroudet, Les passereaux. Des pouillots aux moineaux, Delachaux et Niestlé, , p. 209.
  3. La migration irruptive (de) ou invasive est un déplacement dont la chronologie et l'étendue sont irréguliers. Ce comportement migratoire s'observe chez des espèces (jaseur boréal, mésanges, rapaces nocturnes boréaux) dépendantes notamment d'une source d'alimentation très fluctuante (tantôt abondante, tantôt rare) ou lors de vagues de grand froid, qui migrent massivement certaines années dans le sud de leur aire de reproduction voire bien au-delà.
  4. Il existe une migration quotidienne des oiseaux, liée au rythme nycthéméral, qui correspond généralement à des déplacements entre les lieux de nidification et/ou de repos et les aires de nourrissage. Cf François Ramade, Éléments d'écologie, Dunod, , p. 219
  5. (en) Colin G. Scanes, Sami Dridi, Sturkie's Avian Physiology, Elsevier Science, (lire en ligne), p. 1331.
  6. Une étude de grande envergure, menée dans le Grand Nord canadien et dirigée par le Professeur Joël Bêty de l'université du Québec à Rimouski, dont les résultats ont été publiés en 2010 dans la revue Science. (Voir : Lower predation risk for migratory birds at high latitudes.), montre que les risques de prédation des œufs diminuent quasi proportionnellement avec la latitude, se réduisant des deux-tiers sur une distance sud-nord de 3 350 km
  7. La migration rampante désigne les phases de migration — surtout le fait des petits passereaux et d'espèces migrant la nuit — qui s'effectuent par « bonds » successifs entre différentes zones de nourrissage de courtes haltes (buissons, arbustes, arbres, zones humides…), dans la direction normale de leur migration.
  8. (en) Ian Newton, The Migration Ecology of Birds, Academic Press, , p. 824-839.
  9. Jordi Figuerola & Andy J. Green ; Dispersal of aquatic organisms by waterbirds: a review of past research and priorities for future studies ; Freshwater Biology ; volume 47 Issue 3, pages 483-494 ; Published Online: 2002/01/25
  10. Green, A.J. & Figuerola, J. (2005) Recent advances in the study of long-distance dispersal of aquatic invertebrates via birds. Diversity and Distributions 11: 149-156.
  11. Johan Lind (2004), What determines probability of surviving predator attacks in bird migration ?: the relative importance of vigilance and fuel load ; Journal of Theoretical Biology, Volume 231, Issue 2, 21 Nov. 2004, Pages 223-227
  12. Cette dispersion post-juvénile peut s'opérer en direction inverse de celle de la migration des adultes vers les aires d'hivernage.
  13. Liliane Bodson, La migration des animaux, Université de Liège, , p. 17.

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