Motet

Motet Quant em moy / Amour et biauté parfaite / Amara de Guillaume de Machaut (BnF, Fonds Français 1584, fo  414v).

Un motet (en ancien français, « mot » ; latin : motectum, italien : mottetto) est un genre de composition musicale, l'une des formes les plus importantes de la musique polyphonique d'environ 1220 à 1750. Entre ces deux dates, sa définition a beaucoup évolué. Apparu au XIIIe siècle à partir de la clausule et l'organum, il est autonome vers 1220 : des mots s'ajoutent aux voix supérieures des clausulæ, appelées motetus, puis le terme s'applique à la totalité du morceau, de dimension moyenne, toujours fondé sur le cantus firmus immuable, fondement de l'édifice. Le motet est né polyphonique (mais à partir du XVIe siècle peut être monodique), d'abord sans, puis avec accompagnement instrumental (aux XVIIe et XVIIIe siècles) et est écrit essentiellement à partir d'un texte religieux ou plus rarement profane. Le motet s'applique indifféremment à la musique religieuse latine ou profane[1] en langue vulgaire.

Le motet, déployé sur cinq siècles d'existence jusqu'à nos jours, recouvre de nombreuses variantes de genre, selon les époques et à ses débuts même plusieurs : il faut donc bien distinguer les différents aspects de ce dont il est parlé, puisque le mot ne désigne pas la même chose : la définition est différente. À partir du XVIIe siècle jusqu'au XIXe siècle, le mot a tendance cependant à désigner toute composition sacrée (en latin) n'appartenant pas au cycle de la messe[2], mais joués lors de l'office catholique[3].

Le motet ancien, forme née vocale et polyphonique « la plus élaboré et la plus savante »[4] (premier gothique, trois voix, puis une quatrième sans texte), dans une grande hétérogénéité puisqu'il occupe aussi bien l'église, la rue et la maison[5]. Il y a en outre trois directions stylistiques : en transformant les textes ; en privilégiant le jeu de rythme (motet isorythmique, Machaut) ; ou encore plutôt esthétique, glissant du cadre de l'église aux textes profanes et à la liberté compositionnelle et expressive pour le concert. Il évolue continûment dès le gothique flamboyant (généralement cinq voix et plusieurs textes, plusieurs langues ; trente-six voix chez Okeghem et quarante dans le Spem in alium de Tallis)[6], la Renaissance (motet latin, jusqu'à huit voix), le baroque (où un grand chœur se mêle aux instruments : en France, Charpentier, Lalande, Couperin jusqu'à Rameau), est assez peu employé par le classicisme, puis redevient proprement vocal dès le XIXe siècle (motet néo-palestrinien, tels ceux de Bruckner), avec des illustrations non négligeables jusqu'à notre époque (Hindemith, Poulenc).

Le fil rouge qui semble le mieux traverser toutes les époques, est la sensibilité littéraire : le motet n'étant jamais indifférent au texte qu'il illustre et se compose ou se destine à un public instruit capable d'en percevoir les subtilités[7]. Dès sa naissance l'emploi de plusieurs textes (motet) renforce jusqu'à la fusion du texte et de la musique (Josquin, Palestrina), avec l'usage inventif de nombreux procédés de composition. Il peut être de caractère satirique, intégré dans des œuvres littéraires (Le Roman de Fauvel, 1316, sorte d'anthologie des genres de l'époque, dont le motet est le préféré en contient trente-quatre), ou jouer un rôle politique ou officiel, lors de cérémonies de prestige (à partir du XVe siècle : Dufay, motet Nuper rosarum flores pour la consécration du Dôme de Florence, 1436), y compris religieuses, lors de fêtes solennelles (funérailles, Te Deum aux victoires militaires, après un traité).

L'importance du genre et son rôle, est lui aussi fluctuant, passant d'une sorte de laboratoire musical du Gothique, mais déclinant au XVe siècle, genre principal à la Renaissance (sauf en Angleterre jusqu'à Élisabeth) et conserve une grande importance jusqu'à la décennie 1750, puis se fonde ultérieurement dans des formes et genres qu'il a contribué à dessiner.

Dès ses origines, il existe des motets spécifiquement instrumentaux (manuscrit de Bamberg, nos 102 à 108, c. 1260-1290)[8]. À la Renaissance, exceptionnellement, naissent des motets instrumentaux, notamment destiné à l'orgue (Attaingnant, 1531) et conçus pour compenser les faiblesses des chœurs de province ; ils peuvent également être source de variations (gloses) et mise en tablatures de motets flamands au luth ou à la vihuela (Monton, A. de Rippe, Paladin) ou de motets d'imitation (Bianchini, Du Caurroy).

En outre, le motet se définit également avec d'autres genres : motet-refrain, motet-rondeau, motet-choral (allemand : choralmotette), motet-concertant, motet-cantilène (ou motet-chanson) par exemples. Il prend le nom d’anthem (du latin : antiphona) chez les anglicans, où il est chanté sur des paroles bibliques ou morales en anglais[8]. En Espagne, durant la seconde partie du XVIe siècle, il prend parfois le nom de Sacræ Cantiones ou chansons sacrées, chansons spirituelles, par exemple chez Francisco Guerrero.


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