Seigneurie

La seigneurie est une institution d'Europe occidentale apparue au Moyen Âge au cours de la dislocation de l'Empire carolingien[1], mais qui a perduré durant les Temps modernes, voire pendant l'Époque contemporaine. Cette institution établit des liens entre le détenteur d'une terre et ses habitants (manentes, d'où « manants » ; villani, d'où « vilains »), liens qui relèvent du droit féodal qui privilégie les rapports de dépendance d'homme à homme et aussi de l'exercice de pouvoirs qualifiés aujourd'hui de régaliens[2], notamment le droit de justice.

La seigneurie doit être distinguée du fief, la terre tenue dans le cadre du système féodal, et qui n'est que l'élément le plus visible de la seigneurie. Les fiefs s'emboîtent les uns dans les autres selon les liens de dépendance suzerain/vassal.

Dans le cas de la France, la quasi-totalité des terres du royaume faisait partie d'une seigneurie à la fin du XVIIIe siècle. On estime entre 40 000 et 50 000 le nombre de seigneuries en France à cette époque. Les terres non soumises au système seigneurial étaient appelées « alleux ». Toutefois l'alleu, s'il était important, pouvait être reconnu comme une seigneurie dépendant directement du roi.

Le seigneur peut être un individu (dans ce cas la seigneurie est héréditaire), mais aussi une personne morale (monastère, évêché, etc.). À l'époque féodale, la seigneurie foncière est un quasi-monopole de la noblesse et du clergé, mais à l'époque moderne, un roturier riche peut acheter une seigneurie, élément important, mais insuffisant, de l'accès à la noblesse.

Dans une certaine mesure, héritière de la villa romaine de l’Antiquité tardive (système dans lequel le propriétaire foncier détenait la propriété sur la plupart des habitants, qui avaient le statut d'esclave), la seigneurie est le cadre privilégié grâce auquel l’aristocratie médiévale assure sa prééminence économique, sociale et politique. La limitation des prérogatives seigneuriales est l'un des moyens par lequel le pouvoir central des États s'affirme à la fin du Moyen Âge et durant l'époque moderne.

Dans nombre de pays, la seigneurie foncière a été abolie légalement, notamment en France entre 1789 et 1793. Mais ce n'est pas le cas au Royaume-Uni, ni en Irlande[3], où des réalités actuelles ressortissent encore au système seigneurial.

  1. Pierre Bonnassie, « Seigneurie », Les Cinquante mots-clés de l'histoire médiévale, Toulouse, Privat, 1981, p. 180-184.
  2. La dislocation de l'Empire carolingien est marquée par l'affaiblissement du pouvoir central et l'éparpillement des pouvoirs d'État, que leurs détenteurs (par exemple les comtes) transmettent à leurs descendants, qui cessent d'être des fonctionnaires. Cf. Bonnassie.
  3. En devenant indépendante, la république d'Irlande a maintenu les droits de propriété tels qu'ils existaient.

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