La tulipomanie (en néerlandais : tulpenmanie ; en anglais : tulip mania) est le soudain engouement pour les tulipes dans le nord des Provinces-Unies au milieu du XVIIe siècle, qui entraîna l'augmentation démesurée puis l'effondrement des cours du bulbe de tulipe : ce qu’on appelle la « crise de la tulipe » en histoire économique. Au plus fort de la tulipomanie, en , des offres de vente pour un bulbe se négociaient pour un montant égal à dix fois le salaire annuel d’un artisan spécialisé. Certains historiens ont qualifié cette crise de « première bulle spéculative » de l’histoire[1]. Elle est restée dans les mémoires, tout au long de l'histoire des bourses de valeurs.
L’épisode connut un regain d'intérêt en 1841 avec la parution d’un ouvrage intitulé Extraordinary Popular Delusions and the Madness of Crowds (« Extraordinaires illusions populaires et la folie des foules ») du romancier et poète britannique Charles Mackay. Mackay affirmait qu’à une certaine époque, un bulbe de Semper augustus pouvait s’échanger contre cinq hectares de terre[2]. Il prétendait également que de nombreux investisseurs avaient été ruinés par la chute des cours, chute qui aurait ébranlé toute l’économie néerlandaise. Bien que l’ouvrage de Mackay soit devenu un classique fréquemment réédité, sa version des faits est aujourd’hui contestée. Les économistes modernes considèrent que la crise de la tulipe n’a pas été aussi spectaculaire que le voudrait Mackay, certains allant même jusqu’à douter de la réalité d’une véritable bulle spéculative[3], tandis que l'historienne Anne Goldgar a montré qu'il ne s'agissait pas d'une crise sur un marché comptant mais de ventes à termes qui, dans un état encore peu développé des techniques financières, s'est transformé en marché d'options. Aucun argent n'a « disparu ».
L’étude de cette crise[4] est difficile en raison de la pauvreté des données d’époque et du fait que ces données proviennent pour la plupart de sources partisanes dénonçant la spéculation de façon caricaturale[5],[6]. Certains économistes modernes, écartant la théorie de l’hystérie spéculative, proposent des modèles mathématiques qui ne font plus appel aux phénomènes de contagion psychologique pour expliquer l’envolée des cours de la tulipe. Ils observent que des phénomènes analogues se sont produits à d’autres époques sur le prix des plantes d’ornement, notamment la jacinthe dont le cours s’est élevé de façon rapide après son introduction sur le marché pour s’effondrer ensuite. D’autres auteurs font remarquer que la montée des prix coïncide avec l’annonce d’un décret parlementaire prévoyant que les contrats à terme pourraient être annulés à peu de frais ; une telle mesure aurait diminué le risque pour les acheteurs qui n’auraient eu alors aucune raison d’hésiter à s’engager pour des sommes exorbitantes. Ces explications sont cependant loin de faire l’unanimité.